Je m'étais bien promis, cette fois, de tâter du gros. Il y a quatre ans, à l'occasion d'un voyage à Madagascar, j'avais raté l'occasion mais cette année, pas question de passer à côté, d'autant que ce séjour à Fort de France m'empêchait de faire l'ouverture de la truite...

Pour augmenter mes chances, j'avais navigué sur Internet où j'avais déniché un site, quelques conseils par un forum ainsi qu'à l'adresse e-mail du Pêcheur de France... J'avais même un numéro de téléphone là-bas, enfin, j'aurais dû l'avoir mais, si j'avais vérifié dix fois qu'on avait bien pris les billets d'avion, j'étais tellement sûr d'avoir noté le numéro en question qu'il était resté à la maison ! Bah, on m'avait dit qu'il suffisait de se balader sur le port et qu'on trouvait pas mal de bateaux proposant des sorties de pêche, donc logiquement l'oubli ne tirerait pas à conséquence. Seulement, il y a tant à voir là-bas, quand on est en famille et que tout le monde n'est pas intéressé par la pêche ! Ajoutons des difficultés de circulation et surtout de stationnement automobile qui font chaque déplacement plus long que prévu... Bref, sur un vague souvenir, je me suis rappelé qu'un site parlait de la Pointe de la Cherry et du Diamant. Bon, on va aller en excursion par là, c'est au sud, on ne connaît pas encore, les paysages sont différents, et puis, en rentrant, on va passer sur le port et on se renseignera. Simple, mais où est donc le port? Il y a des plages mais pas de bateaux...Ah, un panneau " La Cherry" ! C'est bon, par là ! A première vue, on va vers un hôtel ? Un petit sentier à gauche, qui descend vers la plage, un cabanon-bar et là, on me renseigne: oui, il y a un bateau qui propose des sorties, c'est Maverick. C'est le bateau qui est là-bas, au bout du ponton, mais le patron n'est pas là. (On apprendra à nos dépends que les activités prévues l'après-midi doivent être commencées de bonne heure car beaucoup de visites sont impossibles après seize ou dix-sept heures). Un nom me revient en mémoire: le patron ne se prénomme-t-il pas Max ? Non, lui, c'est un autre, il est au Marin. Eh bien, voilà! On pousse jusque-là...Non, il est six heures et il n'y a plus personne.

Le bilan de l'après-midi n'est pas loin de zéro, à part cette petite carte donnée par un commerçant et signalant une organisation proposant plein d'activités: voile, plongée et pêche. Allez, demain, on va à la Pointe du Bout, voir ce que propose Tropi Cool.

Le lendemain, dès le matin, coup de téléphone à Tropi Cool. Oui, on propose bien des sorties de pêche au gros. Le bateau est au Marin, le patron est Max Chalono. Il prend 600F par pêcheur, sur la base de 4. Nous ne sommes que trois. L'hôtesse va le contacter et nous rappeler... Ca marche pour jeudi (il était temps, nous partons lundi!) . Nous allons quand même à la Pointe du Bout pour l'inscription et un premier versement, ce qui donne au petit-fils l'occasion de monter en bateau pour traverser la baie de Fort de France. Une charmante hôtesse nous donne les derniers conseils: prévoir casquette et crème solaire ; le matériel de pêche et les appâts sont fournis, le bateau s'appelle le Kilian, à côté de l'Aquascope sur le port du Marin. Rendez-vous à 7h moins le quart, retour à midi.

 

Jeudi matin, 7h moins le quart sur le ponton. Le Kilian est là, la cabine est ouverte mais aucun bruit à l'intérieur. Quelques flâneurs déjà sur le ponton, dont un qui tire des bordées révélant une nuit "arrosée" . Pourvu que...ouf, il passe ! Ah, voilà du monde pour nous. Deux hommes se dirigent vers le Kilian. Le premier monte à bord, le second se dirige vers nous.

- Bonjour, c'est vous les pêcheurs? Moi, c'est D'Jimmy. Avez-vous déjà pêché ?

- Oui, la truite, pour Manu et moi, et le vairon pour Dédé !

- Ca risque de vous changer, mais je suis là pour vous expliquer. Allez, on embarque!

 

Le patron m'appelle dans la cabine. On règle avant de partir. Ici comme dans pas mal d'endroits, les chèques" hors place" ne sont pas très appréciés mais tant pis. Et c'est parti! Quelques vagues à la sortie de la baie me permettent de contrôler le manque total d'adhérence de mes baskets neuves. Je me cramponne à l'échelle. D'Jimmy sort du coffre des leurres imposants pour les profanes que nous sommes. En fait, ils sont suivis d'un bas de ligne de quelques mètres au bout duquel est fixé un énorme hameçon simple sur lequel il enfile un poissonnet d'une vingtaine de cm, un peu plombé et recouvert d'une sorte d'énorme mouche. Il laisse filer la première ligne dans le sillage du bateau. Cinq lignes pêcheront bientôt à une vingtaine de mètres: deux cannes sont fixées de chaque côté du bateau, l'une des lignes étant écartée par un tangon, et une canne au milieu. Pour compléter le tout, un leurre miroitant et virevoltant est mouillé aussi à une dizaine de mètres. D'Jimmy nous explique:

-Toi, Dédé, tu t'occupes de cette canne, toi, Manu de celle-ci et toi Alain, de celle-là. Si ça part, le frein est réglé comme il faut, n'y touchez pas. Chacun prend sa canne et remonte pour éviter les emmêlages. Si c'est un gros poisson, tu vas sur le siège et je te passe la canne. En cas de nécessité, on peut freiner un peu la ligne avec les doigts sur la bobine, comme ça...

 

Apparemment facile, la pêche au gros. Nous sommes assis tous les trois sur le banc, attendant la touche. D'Jimmy nous fait passer un croissant pour prendre des forces sans doute. La côte est loin, la mer creuse un peu. Je n'ai pas eu l'occasion de me promener sur le pont mais ça me semble difficile! D'Jimmy range dans la cabine le sac du camescope que j'avais posé sur la banquette. On bavarde en surveillant les leurres qui surfent dans le sillage. On traîne depuis une demi-heure à peu-près...Zzzzzzzzzz! C'est parti! Dédé plonge sur sa canne et commence à récupérer. On remonte les autres tout en regardant le début de la bagarre. D'Jimmy a évalué la taille du poisson: pas bien gros, ce n'est pas un marlin, ni un sailfish. Il dit à Dédé de s'asseoir sur la banquette et met la canne dans une douille située sous le siège. Le bateau a ralenti, mais le patron est resté là-haut. Dédé mouline sans arrêt, le poisson n'est plus loin. D'Jimmy donne la gaffe à Manu qui est tout près et enjambe l'arrière pour passer sur la partie plate et au ras de l'eau qui prolonge la coque. Il empoigne le fil et tire...Ca va très vite, le poisson est gaffé et hissé sur le pont dans le même mouvement. Manu range ses pieds, le poisson se débat dans ce petit espace. Il mesure environ un mètre et doit peser dans les quinze kilos. C'est un thazard nous dit D'Jimmy après avoir félicité Manu pour son coup de gaffe. On repart. Le poisson est mis dans le coffre, les lignes filées à nouveau.

 

Il me semble que la mer forcit. On ne voit plus la côte et à gauche -pardon, à bâbord- un gros nuage noir semble bien menaçant. D'Jimmy remonte de la cabine avec des cirés. Zzzzzzz ! C'est la canne à Manu. Le frein continue à chanter pendant que nous remontons les autres lignes. D'Jimmy fait asseoir Manu sur le siège orientable et attrape le baudrier. C'est du sérieux? En réponse, à cinquante mètres du bateau, un poisson jaillit hors de l'eau, se cambre violemment et retombe dans une gerbe d'eau. Marlin ! (Nom d'une pipe, le camescope est dans la cabine!) Manu pompe ; la canne -c'est la plus petite des cinq- plie d'une manière inquiétante pour des pêcheurs en rivière que nous sommes. Le poisson fonce à gauche et D'Jimmy oriente le siège. Le frein ne chante plus, le poisson se rapproche, il est presque à la verticale du bateau. De là-haut, le patron surveille la manoeuvre et un petit coup de moteur rétablit la situation. Deux fois encore, le marlin essaiera de passer sous le bateau mais à chaque fois, le tour d'hélices sera donné efficacement. Enfin, il s'approche de la surface. D'Jimmy est passé sur sa planche et le patron, qui est descendu, prend la gaffe. Il nous prévient: Attention à vos jambes! Même si ça demande un peu plus de temps que pour le thazard, le gaffage est d'une rapidité et d'une efficacité étonnantes. Le marlin se débat sur le fond et on comprend pourquoi le patron nous a mis en garde. Manu, qui est resté sur son siège, lève les pieds pour éviter les violents coups de queue, D'Jimmy est resté sur sa planche et Max s'est lui aussi écarté. Peu à peu, le poisson se calme. Un coup de mailloche va l'achever. (Je ne vais pas entamer une discussion sur le no-kill mais, si je prends plaisir à relâcher parfois quelques belles truites, j'en aurais eu encore plus je crois à remettre à l'eau un tel poisson -à condition toutefois d'avoir pu le filmer!).

 

Un coup de jet sur le lieu de l'agonie et la traîne recommence. D'Jimmy nous parle de sorties où il est tombé sur des bancs de poissons, des concours, des tailles record. Notre marlin est un petit: 25kg environ contre 200 livres et plus pour les gros! La mer présente maintenant des creux de deux ou trois mètres et nos estomacs s'en ressentent mais malgré deux appâtages bien involontaires, nous ne verrons plus rien. Le troisième chant de moulinet sera dû à une erreur de manoeuvre d'un frein qui aura été desserré. Une sixième ligne, destinée à de plus petits poissons, s'emmêlera avec une autre et dans un deuxième temps cassera à la récupération.

Vers 11h30, on rentre les lignes et les deux moteurs de 300CV se libèrent et nous ramènent au port. Enfoncez les casquettes et crochez dans les haubans !

On pend les deux poissons à l'arrière pour la photo traditionnelle, quelques touristes s'extasient, les gens du pays eux, n'ont pas l'air étonnés.Un pot" vite fait" sur le port pour finir la partie (le jus de fruits frais offert par D'Jimmy après nos ennuis digestifs nous a un peu remis d'aplomb). Finalement, on bavarde un bon moment, de pêche évidemment, de la manche du concours qui doit avoir lieu le lendemain (avec des vrais pros du gros cette fois!), de chasse, de la Martinique... En général, le poisson reste au bateau mais Max nous propose un morceau de thazard que nous apprécierons en darnes grillées le lendemain.

 

Pour éviter à des visiteurs intéressés par cette expérience de perdre du temps lors de leur séjour, voici les coordonnées - à l'époque- du patron du Kilian: (Il y a aussi Maverick, qui est dans l'annuaire et sans doute d'autres mais...)

Max Chalono  tel\\fax : 0596 703579,  ou au port: 0596 457215     Internet : max.chalono@wanadoo.fr

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